Que ceux qui voudraient comprendre le metal mélodique contemporain sans avoir écouté le troisième opus des citrouilles montrent l'exemple et se pendent !
Difficile néanmoins de chroniquer ce désormais classique sans faire un petit retour en arrière et s'immerger dans la perspective de l'époque : 1987, c'est (presque) l'apogée du Trash, les débuts discographiques du Death, le virage progressif de MAIDEN qui s'entérine, et le succès grandissant de QUEENRYCHE. Un carrefour créatif au sein duquel HELLOWEEN tire son épingle d'une manière brillante, en prenant cependant beaucoup de risques artistiques (en soi une bonne leçon pour un grand nombre de pompeurs contemporains, soit dit en passant
), au point que Noise Records menacera plusieurs fois de stopper la production de l'album. Le groupe s'attire par ailleurs durablement l'inimité de la frange radicale de ceux qu'autrefois on appelait les Trasheurs, et cela dès la sortie de ce disque que beaucoup considèrent comme LE chef d'uvre d'HELLOWEEN.
Première métamorphose, l'irruption dans le groupe d'un jeune chanteur de 18 ans, Michael Kiske, en lieu et place de Kaï Hansen. A première ouïe, c'est un clone de Geoff Tate (QUEENSRYCHE), mais plus le temps passe et plus on se rend compte que le jeune homme possède des qualités prodigieuses qui feront de lui ce qu'il est à présent : un jeune " has-been " certes, mais surtout une
légende du Metal. Plus lyrique que son prédécesseur, ce chanteur fraîchement intégré se distingue en effet par un registre vocal impressionnant et par la facilité déconcertante avec laquelle il perche sa voix sur des hauteurs insoupçonnées.
Second changement : le ralentissement sensible du tempo. Hormis " I'm Alive " et " Twilight of The Gods " qui cavalent à un rythme fort soutenu, le reste de l'album apparaît bien plus pépère qu'à l'accoutumé, le groupe s'accordant même une incartade avec la magnifique ballade " A Tale That Wasn't Right ".
Enfin, la production, confiée à Tommy Hansen et Tommy Newton, est plus propre que précédemment, l'énergie du groupe s'en trouvant relativement canalisé (NB : pour ceux qui sont habitués aux superproductions finlandaises, le son des " Keepers " apparaîtra certes indigent ; toutefois, je vous encourage à passer outre ce détail finalement bien contingent, car, voyez vous, cette prod', elle a de la personnalité !).
A présent, passons à la chronique proprement dite.
Cet album marque certes un tournant dans la carrière d'HELLOWEEN non pas parce qu'il est différent de ces uvres précédentes, mais parce qu'il correspond à une sorte d'idéal, de pierre philosophale après laquelle courent à l'époque tous les groupes de metal dit mélodique, de MAIDEN à QUEENRYCHE. A la fois agressif, lyrique, pop et joyeux (" Future World "), sombre par endroits, épique et avant-gardiste (l'overpuissant " Halloween "), " Keeper Of The Seven Keys Part I " est un album avant tout varié et inventif, cumulant en une synthèse cohérente des éléments n'ayant pas forcément d'affinités, au point même que plus de dix ans après, tous les groupes se réclamant de son influence en piquent des pans entiers ! Parmi ce qu'a pu inventer HELLOWEEN avec ce disque, on citera par exemple ces tierces de guitare qui ressemblent à des passages de musique slave (demandez à RHAPSODY où ils ont eu l'idée héhéhéhé), ces vocaux hauts perchées qui semblent donner des ailes à des riffs pas toujours très fins mais toujours très puissants, et même un certain aspect symphonique, déjà en germes dans " Halloween " et surtout dans l'intro de l'album. Toutefois, on aura rien dit tant que l'on aura pas évoqué la magie qui plane sur ce disque béni des Dieux, encore un peu maladroit par instants (la barre est placée très haut !) mais néanmoins essentiel !